3 Gennaio 2015

Intervista a Roger Cukierman «L’aliyah, fallimento della Francia»

Fonte:

Le Figaro

Autore:

Paul De Coustin

Cukierman : «L’aliyah, échec pour la France»

Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France décrypte pourquoi plus de 7000 Juifs français ont émigré vers Israël en 2014, soit plus du double de l’année précédente.

ÉMIGRATION C’est la première fois que les Juifs de France fournissent le plus gros contingent mondial de l’aliyah, terme hébreu qui désigne l’émigration vers Israël. Selon l’Agence juive pour Israel, plus de 7000 Juifs de France ont émigré vers Israël en 2014, soit plus du double de l’année précédente où 3293 ressortissants avaient rejoint l’État hébreu. Ce flux devrait se poursuivre en 2015. l’Agence juive prévoit l’arrivée de plus de 10 000 nouveaux immigrants en provenance de France. Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) analyse les raisons qui poussent les Juifs français à quitter leur pays.

LE FIGARO. – C’est la première fois que le contingent français est le plus fourni au monde, avec plus de 7 000 départs. Quelles sont les causes de cette émigration massive?

Roger CUKIERMAN. – C’est assez simple. L’émigration massive des Juifs français est le résultat de l’insécurité croissante ressentie dans le pays. Si l’on regarde les actes de violence et de racisme, les agressions antisémites représentent plus de la moitié de ces actes. Aujourd’hui, les Français juifs ont l’impression d’être les parias de la nation. On doit désormais protéger les écoles Juives et les synagogues pour éviter des attaques, les juifs ne peuvent plus sortir dehors avec une kippa, particulièrement dans le métro. Les manifestations propalestiniennes du mois de juillet dernier ont été une alerte terrible, avec des attaques de lieux de cultes et des slogans comme «Mort aux Juifs !» entendus dans les rues de France. C’est effrayant. S’ajoute à cela, un sentiment de danger permanent avec les Français qui partent faire le djihad et qui peuvent revenir en France avec la volonté de commettre des attentats, comme Mohamed Merah à Toulouse et Mehdi Nemmouche à Bruxelles. On est face à un danger islamiste qui pèse sur toute la France. Ce climat global fait fuir les Juifs français. C’est un échec pour la France, où une population subit des persécutions du fait de ses origines.

La morosité économique française n’est-elle pas également un argument de départ ?

L’économie peut être un élément de réflexion, car Israël est une économie en croissance et un pays attractif. Mais il est très minoritaire. C’est la première fois que les mouvements d’émigration sont aussi importants, alors que la France a déjà connu des épisodes de crise économique. L’économie n’est pas un facteur d’explication suffisant vu l’ampleur du phénomène. Car si l’Agence juive donne les chiffres d’émigration vers Israël, il ne faut pas oublier que de nombreux Juifs français partent également dans d’autres pays comme les États-Unis ou le Canada.

Après l’agression antisémite de Créteil, au début du mois de décembre, le gouvernement a fait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une «cause nationale». Est-ce suffisant?

Je suis satisfait que le gouvernement soit décidé à se mobiliser pour lutter contre l’antisémitisme. Seulement, on n’a vu aucune mesure concrète pour l’instant. ll n’y a pas d’actes hormis la nomination d’un délégué ministériel. Il faut désormais voir les moyens mis en oeuvre au-delà de la volonté politique.

Quelles seraient les mesures à prendre, selon vous?

La plupart de ces actes sont le fait de jeunes issus de l’immigration. Ils croient dans des préjugés sur le peuple juif et développent une pensée antisémite. Ce phénomène pointe l’échec de l’école de la République qui n’a pas réussi leur intégration. Les enfants ne naissent pas antisémites, ils le deviennent. Il faut donc mobiliser les écoles où l’on doit enseigner dès le plus jeune âge le respect de chacun, quelles que soient sa couleur de peau ou sa religion. Mais il faut également travailler sur les convictions des parents, qui transmettent ces préjugés antisémites. On doit éradiquer ces pensées en mobilisant toutes les forces vives de la nation comme les entreprises, les syndicats et les médias.